C'est à cette question que la Cour de Cassation a répondu par deux arrêts prononcés ce 14 novembre 2018. (Cass. soc. 14 novembre 2018, n° 17-20659 et cass. soc. 14 novembre 2018, n° 17-16959). La réponse est oui dans de nombreuses circonstances.
Des heures supplémentaires acceptées tacitement doivent être payées...
La réalisation d'heures supplémentaires relève, en principe, de l'initiative de l'employeur. Ainsi, seules les heures supplémentaires demandées par l'employeur ou effectuées avec son accord doivent être rémunérées. Néanmoins, il est admis de longue date que l'accord implicite de l'employeur suffit à reconnaître l'existence d'heures supplémentaires (cass. soc. 20 mars 1980, n° 78-40979, BC V n° 279 ; cass. soc. 7 février 2018, n° 16-22964 D).
L'accord tacite de l'employeur peut notamment résulter :
• de la connaissance par l'employeur de la présence tardive du salarié dans les locaux de l'entreprise (cass. soc. 8 juin 2016, n° 15-16423);
• de la connaissance par l'employeur d'un surcroît d'activité d'un salarié sans qu'il ne révise pour autant l'organisation de l'entreprise afin de la soulager (cass. soc. 12 septembre 2018, n°17-15924 D) ;
• de la connaissance par l'employeur, par les fiches de pointage, des heures supplémentaires effectuées par le salarié auxquelles il ne s'est pas opposé (cass. soc. 2 juin 2010, n° 08-40628, BC V n' 124 ; cass. soc. 7 février 2018, n' 16-22964 D).
Ainsi, l'employeur est tenu de rémunérer les heures supplémentaires accomplies à sa demande ou avec son accord, que celui-ci soit explicite ou implicite. ... même si le contrat de travail exige l'accord préalable de l'employeur.
Il peut arriver, en pratique, que le contrat de travail contienne une clause interdisant au salarié d'effectuer des heures supplémentaires de sa propre initiative et subordonnant celles-ci à l'accord préalable de l'employeur.
Mais le contrat de travail ne peut pas lier le paiement des heures supplémentaires à l'accord préalable et explicite de l'employeur.
L'employeur ne peut arguer du fait que le salarié ne respecte pas ses obligations contractuelles dès lors qu'en pratique, il a connaissance de la réalisation d'heures supplémentaires et qu'il n'agit pas pour rétablir une organisation du travail soutenable ou qu'il ne s'y oppose pas.
Paiement des heures supplémentaires réalisées malgré l'opposition de l'employeur
Les tâches confiées au salarié peuvent justifier la réalisation d'heures supplémentaires.
En l'absence d'accord explicite ou implicite de l'employeur, les juges ordonnent également le paiement des heures supplémentaires qui sont imposées par la nature ou la quantité du travail demandé au salarié (cass. soc. 19 avril 2000, n° 98-41071 D).
Tel est le cas lorsque l'employeur établit des plannings de travail imposant au salarié une quantité quotidienne de travail supérieure à ce qui pourrait être accompli en une journée normale de 8 heures (cass. soc. 9 novembre 2004, n° 02-43069 D).
Il en va de même lorsque l'employeur maintient et accroit la charge de travail du salarié, qui avait précédemment donné lieu au paiement d'heures supplémentaires, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation dans l'un des arrêts du 14 novembre 2018 (n° 17-16959).
À cette occasion, la Cour de cassation rappelle que "l'employeur est tenu de rémunérer les heures supplémentaires dont la réalisation a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié", bien qu'effectuées sans son accord, même implicite.
Et pour cause, dans les deux affaires, l'employeur s'était formellement opposé à la réalisation de ces heures supplémentaires.
Dans ses arrêts du 14 novembre 2018, la Cour de cassation parle désormais « d'heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié » et ne fait pas référence à la nature ou à la quantité de travail.
Néanmoins, en pratique, les juges du fond devront toujours apprécier la nature ou la quantité du travail pour déterminer si la réalisation d'heures supplémentaires était nécessaire.
D'ailleurs, dans l'un des arrêts du 14 novembre 2018, il était question d'une augmentation de la charge de travail du salarié (n° 17-16959).
L'opposition de l'employeur à la réalisation d'heures supplémentaires n'importe pas. Dans les deux affaires tranchées par la Cour de cassation le 14 novembre 2018, l'employeur avait expressément manifesté son désaccord à la réalisation d'heures supplémentaires. Dans l'une (n° 17-20659), l'employeur avait plusieurs fois rappelé au salarié, par des courriers électroniques, qu'il fallait rester à 35 heures et que l'accomplissement d'heures supplémentaires nécessitait l'accord préalable du supérieur hiérarchique.
Dans l'autre (n° 17-16959), l'employeur était allé plus loin puisque, après plusieurs rappels, il avait décidé de sanctionner le salarié par un avertissement. Mais dans les deux cas, la Cour de cassation a considèré qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du désaccord exprimé par l'employeur à la réalisation d'heures supplémentaires dès lors que celle-ci a été rendue nécessaire à l'exécution des tâches confiées au salarié.
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Source: Revue Fiduciaire