Comment se déclinent les obligations de sécurité de l'employeur et du salarié durant cette période de crise sanitaire ?
· L’obligation de sécurité de l’employeur
L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés.
Quel est ce résultat attendu ? Ce n’est pas l’absence totale d’accident, de maladie et en l’espèce de contamination mais la mise en place des mesures nécessaires pour prévenir leur survenance !
Autrement dit, l’obligation de l’employeur se situe au niveau de la PRÉVENTION.
Quels sont donc les réflexes à avoir ?
1. INFORMER les salariés, en matière de gestes barrières et de mesures de prévention. Vous trouverez, en cliquant sur ce lien les affiches mises en ligne par le Ministère des solidarités et de la santé : https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/coronavirus-questions-reponses;
2. FORMER les salariés, s’assurer que ces derniers ont intégré l’ensemble des mesures ;
3. PROTÉGER les salariés :
Comment protéger mes salariés ?
1. METTRE EN PLACE LE TELETRAVAIL à chaque fois que c’est possible (lorsque le télétravail n’a pas déjà fait l’objet d’un accord d’entreprise ou d’une charte au sein de votre entreprise, il est prudent d’acter ce dernier par écrit afin de définir notamment les mesures d’organisation de ce dernier en termes de mise à disposition de matériel, de plages horaires de travail, de contrôle de la durée et de la charge de travail etc..).
2. LORSQUE LE TELETRAVAIL N’EST PAS POSSIBLE :
- Le salarié peut se retrouver contraint de rester à domicile pour garder ses enfants de moins de 16 ans, dans ce cas, l’ employeur est tenu de procéder à la déclaration de maintien à domicile. Vous retrouverez cette déclaration en cliquant sur ce lien : https://declare.ameli.fr/employeur/conditions
Le téléservice « declare.ameli.fr » de l'Assurance Maladie permet à l’employeur de déclarer l’arrêt de travail pour ses salariés. Il s'applique aux salariés du régime général, salariés agricoles, marins, clercs et employés de notaire, les travailleurs indépendants et travailleurs non-salariés agricoles et agents contractuels de la fonction publique. Les autoentrepreneurs se déclarent eux-mêmes dans le téléservice.
Cette procédure de déclaration sur le site ne concerne pas les autres régimes spéciaux, notamment les agents de la fonction publique.
Votre salarié bénéficiera de manière exceptionnelle d’une prise en charge sans jour de carence.
- Dans les autres cas, ORGANISER LE TRAVAIL :
En premier lieu, délivrer à chaque salarié l'attestation de déplacement dérogatoire qui est dorénavant obligatoire pour les déplacements entre le domicile et le lieu de l'exercice professionnelle :https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2020/03/justificatif-deplacement-professionnel-fr.pdf
Ensuite en matière de gestion du personnel : ÉVITER AUTANT QUE POSSIBLE :
- que l’ensemble du personnel soit réuni dans un espace restreint (organisation d’équipe de roulement, reconfiguration des espaces de travail) ;
- le contact avec le public ;
- l’exposition au risque en fournissant les moyens de protections adaptés : gels hydroalcooliques, lingettes désinfectantes, maques, barrière de protection etc.
Enfin, lorsque la contamination d’un salarié est confirmée, les locaux doivent être nettoyés
Quels supports juridiques mettre en place ?
La sécurisation de l’entreprise et de ses salariés passe aussi par la sécurisation juridique, il est fortement conseillé de mettre en place un avenant télétravail avec les salariés concernés, de mettre à jour le document unique d’évaluation des risques (DUER), et dans certains cas la mise en place d’un plan de continuité de l’activité (PCA) , dont l’ampleur variera évidemment selon la taille de l’entreprise et le niveau d’impact de la crise sur cette dernière https://www.economie.gouv.fr/files/hfds-guide-pca-plan-continuite-activite-_sgdsn.pdf.
Quels sont les risques encourus en cas de non-respect des mesures de prévention ?
Les salariés peuvent tout d’abord faire valoir leur droit de retrait. Si le seul fait d’être en contact avec ses collègues ou le public ne justifie pas cette action, le non-respect des mesures de prévention constitue un motif légitime.
Lorsque le droit de retrait est justifié, l’employeur doit prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre fin au danger, ne peut sanctionner le salarié et aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié durant la durée du retrait.
La contamination d’un salarié est également susceptible d’être qualifiée d’accident du travail ou de maladie professionnelle (nous n’avons pas encore de recul sur ce point).
Dans ce cas, l’employeur doit satisfaire à ses obligations déclaratives, délivrer l’attestation de salaire et formuler avec le plus grand soin ses réserves.
La reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle permettra ensuite au salarié d’engager une procédure devant la chambre sociale du Tribunal Judiciaire en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ouvrant droit à une indemnisation complémentaire.
Le salarié n’aura qu’à démontrer les manquements de son employeur et son exposition au risque, la Cour de cassation ayant déjà rappelé à plusieurs reprises que la faute de l’employeur n’a pas être déterminante, il suffit de démontrer qu’elle a concouru à la survenance du dommage.
En dehors de la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le salarié est également fondé à solliciter la réparation du préjudice subi en raison des manquements de son employeur à son obligation de sécurité de résultat devant le conseil de prud’hommes.
Lorsque le manquement de l’employeur est particulièrement grave, le salarié peut notamment prendre acte de la rupture de son contrat de travail et saisir le conseil de prud’hommes en requalification de cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
· Et l’obligation de sécurité du salarié alors ?
Le salarié est également tenu à une obligation de sécurité.
L’article L4122-1 alinéa 1 du Code du travail prévoir en effet que « conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».
Le salarié doit donc :
- se conformer aux instructions qui lui sont données par son employeur ;
- respecter les consignes sanitaires pour assurer sa sécurité et celle de ses collègues.
Et surtout, le salarié doit informer son employeur dès lors qu’il a connaissance de son exposition au virus ( exemple : conjoint contaminé), qu’il a été dans une zone à risque (cluster) ou qu’il présente les symptômes du coronavirus.
En effet, si le salarié ne dit rien et que certains de ses collègues sont contaminés, sa responsabilité est susceptible d’être mise en cause et il pourrait faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
Enfin, il est fortement conseiller au salarié faisant valoir son droit de retrait, d’acter ce dernier par écrit en détaillant les raisons de son action.